Cet article a d’abord été publié sur le blog d’ekino ; je l’ai en effet écrit dans le cadre de mon travail en tant qu’employée.
À Blend Web Mix, on m’a parlé Human Design, innovation, Service Design, etc. Moi qui ne suis pas designer, j’ai néanmoins accueilli tout ça avec beaucoup d’intérêt et cela m’a donné quelques pistes de réflexion.
Si tout n’a pas été tout de suite clair, une chose est sûre, dès le début : quelle que soit l’approche – son nom, son objectif – ces concepts ramènent tous à un seul facteur : l’utilisateur.
Quand Geoffrey Dorne parle de design pour l’humanité, par exemple, il nous dit tout de suite qu’il axe sa conception sur ce qui sera utile pour l’homme. Bertrand Cochet, en présentant le service design, énonce comme premier principe de mettre l’humain au cœur du service.
Comment est-ce que cela peut se traduire ? En se mêlant à la foule, en observant l’utilisateur, en cherchant quels sont ses points de contact et ce qui les déclenche.
Or, en observant les usages, on constate, parmi une foule d’observations, une idée qui me plaît beaucoup : le hacking. Le fait que les personnes détournent un objet ou une application pour couvrir un besoin qui n’est pas couvert autrement. On trouve une foule d’exemples dans le mouvement jugaad, appelé aussi innovation frugale. Depuis l’apport de lumière via une bouteille en plastique en passant par un champ labouré avec un balai et un vélo, les points communs sont :
- un besoin qui n’était pas couvert ;
- et une astuce avec des objets qu’on a sous la main pour y répondre soi-même.
Car c’est bien le besoin, finalement, qui sert de gouvernail ; l’objet lui-même, son esthétique et son aura technique sont moins critiques que le service rendu. Je dis souvent que je ne peux pas me servir d’un site s’il n’est pas beau. Mais c’est faux. S’il m’est utile, n’en déplaise à mon sens esthétique, je m’en servirai.
En remettant les usages comme source et objectif à la réflexion, on crée des services qui n’existaient pas avant cette démarche, car d’autres principes prenaient le pas. Je pense ici à l’opposition entre la propriété – ma voiture, mon vélo – et le besoin – un trajet. En s’affranchissant de la propriété, on a pu voir surgir, par exemple, les véhicules citadins en “location” (Vélo’V, Vélib’, Autolib’). C’est le service qui prime ici, pas la possession.
Parfois, le besoin va même créer des nouveaux modèles économiques. La location de lieux de vacances de particulier à particulier est né du besoin d’économiser (et de gagner) de l’argent. L’échange d’appartement se pratique depuis longtemps et on a vu aussi se déployer ses déclinaisons sur Internet (couch surfing, Airbnb, etc).
On voit alors que le produit n’est plus systématiquement au cœur de la consommation. À une époque où la technologie nous permet de repousser les limites toujours plus loin – des appareils électroniques toujours plus petits par exemple, l’innovation est-elle vraiment dans ces prouesses ?
Non sans humour, Raphaël Yharrassarry questionne l’innovation et rappelle que la distance moyenne entre l’oreille et la main n’a pas changé en dix ans. Ce n’est donc pas nécessairement dans un mobile de plus en plus petit qu’est l’idée révolutionnaire qui marchera mieux que les autres.
C’est un constat que les agences marketing ont fait depuis quelques années et elles ne proposent pas un site ou un produit sans prévoir son “dispositif digital”. C’est aussi un constat que l’atelier d’Ekino fait aussi en questionnant, entre-autres, les nouveaux objets pour en trouver les usages pertinents. Le gadget seul – “l’hypertechnologie” qui permettait d’animer tout un repas de famille il y a dix ans – ne fait plus vendre s’il n’y a pas un service avec.
Si la clé du succès tient dans le service rendu à l’utilisateur, alors l’innovation ne passe peut-être que par l’observation des difficultés que rencontrent les autres. La bonne idée ne doit pas être de trouver des objets plus luxueux, plus chers, plus performants, mais bien d’aplanir les gênes et de faire disparaître les manques.
Alors, on en arrive à une quête du confort de l’utilisateur.
Or, des difficultés, on en rencontre tous au quotidien. Depuis les choses les plus insignifiantes (un lacet qui se défait toujours) aux plus contraignantes (les problèmes de transport, par exemple).
Et quelles sont les situations où l’on rencontre le plus de difficultés ? Les situations de handicap.
Alors, de là à dire que la prise en compte du handicap est une voie en or pour l’innovation, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement !
Photos hobvias sudoneighm et Mark Walz